Articulations temporo-mandibulaires de nos enfants – partie 2

Par Antonio Patti

Deuxième partie

Classe III articulaire

On parle de classe III articulaire quand en position d’intercuspidie maximale le condyle est position trop en avant par rapport à la normalité.
Ce mauvais positionnement condylien crée une compression antérieur de l’ATM.
Cette situation n’est pas très fréquente; nous la retrouvons dans les classes III par proglissement mandibulaire.

Classe II articulaire

L’ATM est «construite» pour fonctionner vers l’avant. Les relations occlusales devront éviter de favoriser la rétro-position et la rétro-fonction mandibulaire ; d’où l’importance du déverrouillage précoce dans le sens transversal, vertical et sagittal. Dans un dérangement intra-articulaire (luxation discale), le disque est instable dans l’articulation; trois situations sont possibles :

  • a) le condyle peut être en position postérieure et le disque en avant, dans la luxation discale antérieure ;
  • b) le disque en avant et médialement, dans la luxation discale antéro-médiale (fig. 11) ;
  • c) le disque en avant et latéralement, dans la luxation discale antéro-latérale.

Cliniquement nous aurons dans la luxation antérieure un claquement plus ou moins fort en fonction de l’ancienneté ; une déviation dans les luxations excentrées. Le claquement ou la déviation seront situés dans le premier tiers, le deuxième ou le troisième tiers. Cette dernière éventualité se manifestera dans les luxations plus anciennes.

Chaque fois que le condyle est en position postérieure et le disque en avant, la position condylienne sera qualifiée de classe II articulaire.

Cette classe II articulaire peut être associée à une classe I dentaire, même parfaite, qui peut nous faire penser trop hâtivement à une normalité. Ce qui est faut ! En fait, c’est une classe III camouflée, avec les deux condyles en position postérieure à cause d’une luxation discale bilatérale. Ces types de situations perturbent beaucoup les orthodontistes non «ATM-conscients».

Dans la luxation mono-latérale, nous observerons des classes d’Angle différentes des deux côtés : classe I du côté normal et classe II du côté pathologique ; classe II du côté normal mais classe II plus importante du côté pathologique; et ainsi de suite.
Il est évident que le traitement ne pourra pas être identique dans ces différents cas.
Il est fondamental de partir de la classe articulaire, avant d’évaluer la classe dentaire et squelettique et en tirer les conclusions nécessaires pour notre plan de traitement.

Si nous sommes en classe II articulaire, il est absolument indispensable de remettre l’articulation en classe I par une orthopédie adéquate de l’ATM. Certaines mécaniques comme les élastiques de classe II, forces extra-orales et activateurs construits dans le non respect des structures intra-articulaires peuvent être contre-indiquées et même parfois nocives (aggravation de la luxation, de réductible à non réductible, nécrose avasculaire de la tête condylienne, etc.).

Dans les luxations discales, le condyle est d’abord repoussé postérieurement puis, avec le temps, il remonte dans la cavité glénoïde. Il va comprimer la zone bilaminaire avec perte de dimension verticale intra-articulaire (DVIA), puisque l’isthme discal, tissu fibreux dense n’est plus là pour jouer son rôle de calage du condyle et de garant d’une DVIA stable. Cette situation va se répercuter sur l’occlusion dentaire (ingression compensatrice des dents cuspidées du côté de la luxation, éruption dentaires ralenties chez l’enfant en croissance, plan d’occlusion perturbé dans les trois plans de l’espace).

La luxation discale monolatérale est à l’origine d’un certain nombre de dissymétries mandibulaires dues à un ralentissement de croissance du côté de la luxation, avec diminution de la hauteur du ramus, une déviation mandibulaire homolatérale (déviation du frein mandibulaire du côté de la luxation), croissance excessive au niveau de l’angle goniaque et le long de la base mandibulaire.

L’élimination des défauts occlusaux par ajustement occlusal ou par déplacements dentaires (orthodontie ou chirurgie orthognathique), même si elle apporte un soulagement musculaire temporaire, ne peut empêcher les mouvements d’évitement articulaires et l’aggravation de la pathologie.

Il nous paraît nécessaire de retrouver l’intégrité du complexe disco-condylien et lui adapter une occlusion stable permettant une pression modelante et non destructrice favorisant la cicatrisation et le remodelage progressif des tissus mous articulaires.

Pour cela, il est souvent nécessaire d’avancer le ou les condyles et de les abaisser pour permettre un retour du disque dans sa position d’origine.
L’ATM est une articulation membraneuse, unique dans le corps humain par son origine embryologique (à partir du 4e feuillet neuroectodermique). Cette origine lui confère une grande richesse et finesse en proprioception.

La formation de cette articulation est aussi fonctionnelle que génétique. Le tissu mou intra-articulaire, périosté dans ses trois constituants (fibrocytes, substance fondamentale, fibres collagènes) se différencie avec les nécessités de la fonction, du travail articulaire et de sa protection. Il en sera ainsi de la vie intra-utérine jusqu’au vieillissement physiologique pour autant que les pressions restent modelantes et non destructrices. C’est une articulation plastique, à adaptation continue. Il n’y a pas de cartilage dans les tissus mous de l’ATM: les tissus restent fibreux, sa substance fondamentale reste visqueuse et non gélatineuse comme dans les autres articulations.

Ces qualités permettent au disque une adaptabilité parfaite à tous les mouvements entre les os. L’ATM garde toute la vie cette qualité grâce à son origine périostée, pour autant que les pièces articulaires restent coaptées, que les forces exercées permettent la nutrition par imbibition des tissus non vascularisés, la formation et le renouvellement du tissu et non sa destruction. Ces caractéristiques hysto-physiologiques nous permettent d’envisager, dans nos traitements, le repositionnement du condyle dans les luxations, d’espérer une réponse tissulaire correspondante aux possibilités d’adaptation et du devenir des tissus mous articulaires, comme le suggère Michel Cardonnet.

Il est à notre avis impératif de traiter précocement ce type de pathologie, car la grande résilience articulaire des jeunes patients et les grandes capacités adaptatives, et de régénération tissulaire permettront à la croissance de s’exprimer complètement en plaçant les condyles mandibulaires dans une situation de normo-position intra-articulaire. Ce qui pourra dans bien des cas résoudre les décalages maxillaires souvent dus à une malposition de la mandibule verrouillée dans une position trop postérieure.

La démarche thérapeutique ne diffère pas de celle des adultes : libérer l’articulation de toutes contraintes, de toutes compressions.
La différence réside dans la difficulté et le temps de traitement qui est, bien sûr, plus court chez le jeune enfant que chez l’adulte.

Les phénomènes de réparation répondent mieux sur des sujets jeunes en croissance et les résultats sont plus favorables en fonction de la précocité d’action. Il faut agir quand le potentiel évolutif et de réparation sont au maximum ; d’où la nécessité de mettre en pratique un des grands principes de la Philosophie Bioprogressive : le déverrouillage précoce. Il faut éviter que cette pathologie se fixe dans le temps et dégrade les tissus articulaires. Or les enfants ne sont pas à l’abri des dysfonctions cranio-mandibulo-posturales. Les études épidémiologiques (Razook, Williamson, Nilner-Lassing, Bernal et tsamtsouris, Egermark, De Boever et Van der Bergher et bien d’autres) montrent que plus de 30 % des enfants même tout petits présentent des signes ou des symptômes de DCMP (claquements, déviations, déflexion à l’ouverture buccale, gênes ou douleurs musculaires, céphalées, etc.). Ce sont bien des symptômes que nous rencontrons chez nos patientsdysfonctionnels adultes.
Il est donc de la plus grande importance de pas laisser se développer et s’aggraver une dysfonction articulaire. Ceci implique qu’il est impératif de la reconnaître précocement, par un examen clinique judicieux et systématique.

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